« Marine Le Pen condamnée à 4 ans de prison et 5 ans d’inéligibilité avec exécution provisoire ».
Synthèse réalisée par Ilan Gabet et reproduite avec son aimable autorisation – merci Ilan
Le FN va lancer une guerre de communication pour manipuler l’opinion.
Voici donc un décryptage de l’ensemble de leurs mensonges pour que nous jouions à armes égales avec tous ceux qui vont essayer de minimiser cette immense arnaque financière
Mensonge N°1 – Il n’y a pas d’enrichissement personnel
C’est un argument fallacieux. Selon le tribunal le détournement de fonds a bénéficié au RN en finançant sa croissance, son influence et sa propagande pendant 10 ans. Cet enrichissement partisan s’est accompagné d’un intérêt personnel direct pour les responsables impliqués et leurs proches. Les emplois et salaires issus du détournement de fonds n’ont pas été attribués au hasard. Tandis que les personnels techniques étaient peu rémunérés, les contrats fictifs ont permis d’assurer un train de vie fort confortable aux proches et fidèles alliés grâce à des rémunérations avantageuses.
Par exemple, selon la procureure, la sœur de Marine Le Pen, sa fidèle amie ainsi que de jeunes ambitieux repérés par les cadres du parti ont été grassement rémunérés, percevant entre 4 000 et 5 000 euros par mois.
Le compagnon de Marine Le Pen de l’époque, Louis Aliot a été payé 5 000 euros brut pour un mi temps.
Quant à Jean-Marie Le Pen, son majordome, sa secrétaire et son directeur de cabinet ont été rémunérés comme assistant·es d’autres eurodéputé·es.
L’emploi par le Parlement européen de Thierry Légier, garde du corps de Jean-Marie Le Pen, a par exemple conduit au versement d’une indemnité de licenciement de 29 000 euros.
Ces détournements ont ainsi servi à sécuriser une garde rapprochée fidèle et rémunérée, au service des ambitions du parti mais aussi de leurs intérêts personnels et familiaux. Ils ont contribué à renforcer leur influence au sein du RN et à financer, aux frais du contribuable, leur carrière politique. De plus, tout a été mis en œuvre pour exploiter au maximum les crédits destinés aux assistants parlementaires, avec des salaires parfois exorbitants. Un message de Nicolas Bay illustre ces pratiques :
“Bonjour, il me reste des crédits disponibles dans mon enveloppe pour payer mes assistants parlementaires. Afin d’utiliser les fonds restants dispos sur 2014, merci de procéder à l’embauche en CDD de 2 mois de cette personne : Eric G. (…) Salaire net : 5 000 euros/mois. CDD du 1er novembre au 31 décembre 2014. Merci, à bientôt. Nicolas.”
- Parfois, ces contrats ne duraient qu’un seul jour, servant à offrir des primes déguisées aux fidèles du parti. Le tout avec vos impôts. Sans ce système de détournement de fonds, un parti endetté jusqu’au cou n’aurait jamais pu offrir de telles rémunérations à ses employés. Ainsi, l’argument selon lequel il n’y aurait pas eu d’enrichissement personnel est totalement fallacieux.
Mensonge n°2 – Il n’y a pas eu d’emploi fictif.
- Le RN affirme que tous les prévenus ont travaillé – certainement, mais pas pour le Parlement européen, et c’est là le problème.
L’emploi fictif se caractérise par le fait de bénéficier d’un emploi et d’en toucher la rétribution afférente sans pour autant effectuer les tâches matérielles que justifierait ce travail. Dans cette affaire, et c’est pour cette raison qu’il y a eu des condamnations, les prévenus n’ont pas travaillé pour leur employeur, le Parlement européen, mais plutôt pour le Front national. On parle donc de contrat fictifs.
- Par exemple, Julien Odoul n’a jamais rencontré Mylène Troszczynski, pourtant censée être sa supérieure. Un échange de mails avec Philippe Martel révèle les dessous de son embauche :
- Philippe Martel : « Ouf, c’est OK, montage financier dans une semaine. » Puis : « Tu seras peut-être pris en charge par le Parlement européen, ce qui est parfaitement neutre. »
- Julien Odoul répond : « Peu importe le portage, je suis vraiment ravi de travailler au cabinet (de Marine Le Pen). Elle ne le regrettera pas. »
Donc, peut-on dire qu’il n’a pas travaillé ? Non. Peut-on pour autant nier l’emploi fictif ? Non plus. On peut aussi citer un échange de mails entre Wallerand de Saint-Just et l’eurodéputé Jean-Luc Schaffhauser, le 22 juin 2014 :
- « Ce que Marine nous demande équivaut [à ce] qu’on signe pour des emplois fictifs… et c’est le député qui est responsable pénalement sur ses deniers même si c’est le parti qui en est bénéficiaire », écrit le député.
- « Je crois bien que Marine sait tout cela… », lui répond le trésorier.
Dans leur rapport de synthèse de 98 pages bouclé en 2021, la conclusion des policiers de l’office anticorruption est sans appel : le parti aurait « mis en place un système organisé frauduleux de détournement des fonds européens à son profit, par le biais d’emplois fictifs d’assistants parlementaires ».
Donc, cet argument est totalement fallacieux et vise à convaincre l’opinion publique que cette affaire est pas si grave finalement.
Mensonge N°3 – Il s’agit d’une justice politique.
C’est totalement faux, le RN a été traité comme n’importe quel justiciable :
Le tribunal a été saisi au terme d’une information judiciaire – qui est une procédure contradictoire – durant laquelle se sont succédés quatre juges d’instruction.
La saisine porte sur des faits précisément définis et circonstanciés, sur lesquels ont été menées des investigations approfondies, à charge et à décharge.
Durant toute cette procédure qui a duré 9 ans les accusés ont pu soulever des recours et ils en ont d’ailleurs joué puisqu’ils en ont déposé 45 : Requêtes en nullité, requête en récusation, appels, pourvois en cassation, question prioritaire de constitutionnalité, questions préjudicielles, saisine du tribunal de l’Union Européenne, saisine de la Cour de Justice de l’Union Européenne… Ils ont tout essayé et a chaque fois devant des juges indépendants et impartiaux.
Ils ont tous été auditionné parfois plusieurs fois, ils ont tous pu s’expliquer autant qu’ils le souhaitait pendant les 9 ans de procédure et les deux mois de procès.
Ils ont pu soulever des recours durant le procès, ils ont resoulevé des QPC dont on avait déjà eu la réponse, ils ont resoulevé des questions préjudicielles dont on avait déjà la réponse, ils ont resoulevé des requêtes en annulation du fait de la prespription dont on avait déjà la réponse…
Le droit a la défense n’a jamais été aussi bien respecté.
Mensonge N°4 – Les peines sont trop lourdes par rapport au Modem.
C’est un mensonge, l’affaire du RN est inédite de part son ampleur et est absolument incomparable à l’affaire du Modem.
Le RN est condamné pour avoir détourné 4,5 Millions, c’est 22 fois plus que pour le Modem (204.000 euros).
Le RN est condamné pour 46 contrats, le modem c’était 10.
Le Modem a été condamné pour avoir détourné des fonds pendant quelques mois, le RN c’est 12 ans.
Le MODEM a cessé de détourner des fonds de lui-même, sans intervention de la justice. Le RN, quant à lui, aurait continué à détourner des fonds jusqu’à ce que le Parlement européen saisisse l’Office européen de lutte antifraude en 2015. Il a fallu attendre que le Parlement européen procède à des contrôles pour que les faits cessent.
Les détournements du RN se sont inscrits dans le cadre d’un système centralisé, planifié, optimisé, maximaliste. Ils se sont intensifiés avec le temps et à l’occasion de la 8e législature.
Bref les deux affaires sont absolument INCOMPARABLES.
Mensonge N°5 – La peine d’inéligibilité est un vol démocratique, c’est un coup du gouvernement des juges.
Le législateur a voulu imposer une peine d’inéligibilité pour l’infraction de détournement de fonds publics. Donc en cas de culpabilité pour de tels faits le juge à l’OBLIGATION de prononcer une telle peine.
Il n’a de pouvoir que pour y déroger – on dit que cette peine n’est pas automatique – s’il estime que c’est nécéssaire par une ordonnance motivée.
Donc en fait le seul “gouvernement des juges” qu’il existe c’est celui qui aurait permis de sauver Le Pen en méprisant la volonté du législateur.
Le législateur, émanation des électeurs, a donc
– Non seulement confié et délégué à l’autorité judiciaire ce pouvoir de décision impactant la vie publique,
– Mais a plus encore entendu aller plus loin en imposant à l’autorité judiciaire l’obligation de prononcer l’inéligibilité, ne le délégant pas aux seuls électeurs pour cette éventuelle sanction. Il n’y a donc pas une immixtion illégitime de l’autorité judiciaire dans la vie publique et politique.
Ce n’est donc pas un vol démocratique, au contraire, c’est la simple application, dans le respect de la loi et de la volonté du législateur, de la demande impérieuse du législateur à l’autorité judiciaire d’intervenir
– lorsqu’elle constate une atteinte à la probité et a fortiori par un élu, dans la vie publique et politique,
– pour garantir pour l’avenir, le déroulement éthique et transparent de cette vie politique, en prononçant l’inéligibilité. Cette décision judiciaire d’inéligibilité est non seulement légitime parce que prévue par le législateur, mais plus encore légitime parce que rendue obligatoire par le législateur.
Mensonge N°6 – L’exécution provisoire de l’inéligibilité témoigne d’un acharnement judiciaire.
Le parquet justifie l’exécution provisoire de l’inéligibilité par le comportement des prévenus. Si ce dossier est jugé près de dix ans après l’ouverture de la procédure, c’est en grande partie parce que les prévenus ont tout fait pour la retarder.
Le parquet dénonce une attitude dilatoire : refus de se présenter devant les enquêteurs et le juge, nécessité de lever l’immunité de presque tous les députés concernés, et multiples refus de s’expliquer. S’ils en ont le droit, il n’est pas étonnant que la justice ait ensuite cherché à accélérer la procédure.
Ils ont exercé 45 recours, y compris sur des points déjà tranchés à plusieurs reprises. Certains ont même été redéposés en audience après avoir été rejetés. Pourquoi ?
Comment le RN s’est-il défendu contre l’éventuelle application de l’exécution provisoire ?
1 – Le délai :
La défense affirme qu’au vu de la longueur de la procédure et donc de l’ancienneté des faits, l’exécution provisoire ne se justifierait pas.
MAIS deux choses :
D’abord, la longueur de la procédure n’est due qu’aux manœuvres dilatoires des prévenus.
Ensuite, la durée particulièrement longue de la commission des faits (146 mois), un record pour ce type d’infraction selon la procureure.
Ainsi, un nouveau report de l’exécution ne ferait que renforcer la critique d’une décision de justice rendue trop longtemps après les faits, la rendant moins adaptée et moins efficace en matière de prévention de la récidive.
2 – L’argument du droit pénal financier :
La défense a affirmé que l’on n’est pas en droit pénal commun et que le droit pénal financier ne nécessiterait pas que les délais de réponse pénale soient au plus près des faits.
MAIS admettre un tel argument reviendrait à occulter l’enjeu fondamental de la protection des fonds publics, dans un contexte où ceux-ci sont à la fois limités et essentiels. Il convient de rappeler que le Parlement européen est financé directement par les contribuables, y compris les citoyens français, et qu’aucune ressource n’apparaît par miracle. Cet impératif est d’autant plus crucial lorsque le préjudice s’élève à 4,5 millions d’euros frauduleusement détournés.
Ce serait également consacrer une justice à deux vitesses, où celui qui dérobe 30 € dans le portefeuille d’un particulier est sanctionné rapidement, tandis que celui qui soustrait 5 millions d’euros aux contribuables bénéficierait d’un traitement différent.
3 – Le risque de réitération ou de récidive :
La défense affirme que nous serions dans un cas de figure où ce risque n’est pas important, ne nécessitant pas une exécution immédiate des peines complémentaires.
MAIS admettre un tel argument, c’est oublier que :
Les faits ont été répétés et réitérés pendant 12 ans, mois après mois, durant 146 mois, de manière méthodique, avec une architecture mise en place à dessein, impliquant des personnes internes au FN spécialement dédiées à cela.
Ces faits n’ont été interrompus que parce qu’il y a eu une plainte du Parlement européen, à un moment où le mécanisme allait atteindre son plein potentiel avec les 23 nouveaux députés de la 8ᵉ législature.
Au nom du contrôle démocratique de l’utilisation des fonds publics – qui sont des biens communs –, il nous est opposé une revendication de privilèges selon laquelle la société civile et la justice ne pourraient pas vérifier la légalité de leur usage. Or, sur quel texte ces privilèges reposeraient-ils ? Sur le principe d’immunité parlementaire ? Non, celui-ci ne couvre que l’expression des idées. Sur quel texte alors ? Aucun.
Enfin, c’est ignorer que le FN a déjà été condamné pour des faits de détournement frauduleux de fonds, de recel d’abus de biens sociaux et d’abus de biens sociaux.
Et plus encore, c’est ne pas voir les conclusions qu’en tirent les intéressés : aucune acceptation, donc aucune remise en question. Comment leur faire confiance ?
Mensonge n°7 – L’affaire n’est pas grave, il s’agit d’un désaccord administratif sans conséquences.
Il s’agit de 4,5 MILLIONS D’EUROS détournés durant 146 MOIS, et encore, les faits prescrits n’ont pas été étudiés. La procureure rapporte que les faits “se commettaient vraisemblablement dans des conditions analogues avant le début de la période de prévention”.
Quelles conséquences ?
– D’abord, des conséquences sur les capacités de travail des eurodéputés : les parlementaires RN, privés des assistants qui leur sont normalement dédiés, ont pu moins bien travailler.
– Des conséquences sur la vie publique, et notamment sur les règles encadrant l’équité et l’égalité entre les partis. Comment rivaliser face à la communication d’un parti qui détourne des fonds pour la financer ?
– Plus largement, ces détournements ont vicié le fonctionnement de la démocratie française : c’est donc l’ensemble de la société qui a subi les conséquences de ces méfaits.
